« Ne pas avoir la F1 en France, c’était une hérésie », déclarait il y a quelques semaines le pilote français Sébastien Bourdais. La France figurait déjà au calendrier de la toute première saison de F1 en 1950 ! Et pour cause, elle avait accueilli, en 1906 au Mans, le tout premier Grand Prix de l’Histoire… Pourtant, il n’y a plus eu de F1 au circuit Paul Ricard du Castellet depuis 1990. Magny-Cours avait pris le relais jusqu’en 2008 avant que la Fédération française du sport automobile ne renonce, devant le gouffre financier.
Plusieurs projets pour ramener la F1 en terre gauloise ont échoué ; François Fillon, passionné de sport automobile, s’est intéressé à ce circuit niché sur les hauteurs de Toulon, mais le changement de majorité en 2012 est passé par là… Il faudra finalement toute l’opiniâtreté d’un quatuor de Français – Gilles Dufeigneux, en charge du dossier en 2011 auprès de François Fillon et aujourd’hui DG du Grand Prix de France, Arnaud Péricard, avocat spécialiste des droits sportifs, Éric Boullier, directeur de la compétition chez McLaren jusqu’en juillet 2018, et Stéphane Clair, alors promoteur de courses mécaniques et aujourd’hui DG du Castellet – pour convaincre et impliquer Christian Estrosi dans ce pari fou. Quadruple champion de France de moto et vainqueur de deux épreuves mondiales en 750cm3 avant de se lancer dans la vie politique, ancien ministre à l’Aménagement du territoire puis à l’industrie, celui qui était Président de la région PACA et maire de Nice a pris le pari de faire rimer passion et développement. Un accord est alors trouvé fin 2016 avec Bernie Ecclestone, le patron de la F1 : les coûts d’organisation, estimés à 30 millions d’euros, seront portés pour près de la moitié par un Groupement d’Intérêt Public (GIP) qui rassemble la région PACA, les départements du Var et des Bouches-du-Rhône, ainsi que les municipalités de Marseille et Toulon.
« On a de grands champions, de grandes marques et maintenant l’engouement populaire»
Stéphane Clair, directeur du Castellet
Pour que les recettes de l’événement couvrent l’autre moitié, 150 000 personnes étaient attendues sur quatre jours. Pari tenu ! Tout était fait pour : bien que le circuit, devenu entre-temps un temple des essais automobiles (Toyota, Michelin), soit en excellent état, l’ensemble des installations ont été remises aux normes, 14 parkings ont été créés pour 25 000 places, une fanzone ainsi que de nouvelles tribunes équipées de wifi ont été aménagées, et le revêtement des 90 000 m2 de chaussée a été refait !
Plusieurs virages ont aussi été élargis, offrant des dépassements plus spectaculaires car oui, le spectacle était au cœur de ce Grand Prix qui a attiré 65 000 spectateurs le dimanche, réuni 3 millions de téléspectateurs en France et touché 400 millions de personnes à travers le monde. « On a de grands champions, on a des marques et maintenant s’il y a l’engouement populaire, c’est formidable », déclarait Stéphane Clair, directeur du Castellet. Pour ce faire, les animations ne manquaient pas : un village provençal reconstitué, une fête foraine, un festival F1 organisé à Marseille, des shows aériens et, point d’orgue le dimanche soir, un concert de David Guetta.
Un événement sportif mais aussi festif, donc, afin d’optimiser les retombées financières sur le territoire. On sait que les organisateurs tablaient sur 65 millions d’euros de revenus directs et indirects – pour comparaison, la dernière édition du Grand Prix de Monaco a rapporté 90 millions d’euros à la Principauté, dont 18 millions en billetterie et « vues sur le circuit », et 36 millions en hébergement et restauration !
Une belle prouesse, donc, et qui ne demande qu’à être renouvelée. Cela tombe bien, l’accord conclu entre le GIP « Grand Prix de France » et Bernie Ecclestone porte sur cinq ans, ce qui offre une visibilité certaine et permet de rentabiliser les investissements consentis. Il semblerait d’ailleurs qu’au vu du succès de cette première édition, le GIP souhaite prolonger le « bail »…
Cela dit, au-delà des trois ou quatre jours annuels de Grand Prix, il s’agit d’un véritable projet de développement territorial, axé vers la relance et le développement d’une filière de sports mécaniques dans la région. On attend un afflux d’entreprises du secteur alléchées par la visibilité offerte par la F1, ainsi que leurs sous-traitants. C’est dans cette optique que la Chambre de Commerce et d’Industrie du Var a mis à disposition dès 2017 des terrains dont certains jouxtent l’autoroute Toulon-Marseille, et d’autres sont directement reliés au circuit. Au programme : installations d’entreprises, pépinières, essais industriels sécurisés, mais aussi un important volet formation à destination des jeunes et professionnels en reconversion. Si l’on y ajoute le développement des infrastructures, routières et hôtelières notamment, Christian Estrosi envisage la création, à terme, de 500 emplois durables dans la région.
Objectifs : créer un écosystème collaboratif, implanter un showroom régional de démonstration de solutions hydrogène, faire émerger une filière structurée, dans un contexte marqué par la publication prochaine du Plan National Hydrogène. La région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur s’affirme ainsi comme un territoire de choix pour envisager la production d’hydrogène vert et/ou fatal, le stockage massif en cavité saline, l’usage voire l’import/export d’hydrogène vert via les infrastructures industrialo-portuaires en place.
Alexia Sena