|

Groupama Stadium : Bienvenue à “Aulas Land”

Pour être un grand d'Europe, il faut être propriétaire de son stade. Mission accomplie à Lyon pour Jean-Michel Aulas.


Dans sa loge du Groupama Stadium, Jean-Michel Aulas sera probablement parcouru par un immense sentiment de fierté lorsque l’arbitre de la finale de la Coupe du monde féminine sifflera le coup d’envoi du match le 7 juillet 2019. A cet instant, toute la planète football aura les yeux rivés sur « son » stade : une enceinte de près de 60.000 places, peut-être la plus belle du pays, qui symbolise à elle seule « l’ère Aulas » à l’Olympique Lyonnais.

L’histoire entre Jean-Michel Aulas et l’OL a commencé en 1987. Lorsqu’il est nommé président, le club, très endetté, frôle la relégation en troisième division. Pour cet entrepreneur local, spécialiste des logiciels de comptabilité, la priorité est à la bonne gestion. Aulas s’échine à assainir les finances du club, puis à développer le projet sportif. Deux ans après son arrivée, l’OL remonte dans l’élite.

Les années 90 seront celles de la construction. Sportivement, tout d’abord, avec un podium en 1995 et le retour de l’Europe en 1997. Côté coulisses ensuite, le président Aulas transforme la PME des années 80 en holding du XXIe siècle. L’arrivée au capital de Pathé en 1999 lui permet de s’offrir un attaquant vedette (Sonny Anderson), et de se mesurer aux cadors européens. En 2002, l’OL rejoint les 18 plus importants clubs du continent. L’année d’avant, il a remporté la Coupe de la Ligue, premier trophée du club depuis 1973.

UN STADE À 632 MILLIONS D’EUROS

Une belle réussite pour Aulas ? Encore trop étriquée… Ce bâtisseur le sent, son club a besoin d’un écrin à la hauteur de ses ambitions sportives. « Il a toujours porté un grand intérêt pour les infrastructures, ce qui explique pourquoi il a toujours fait en sorte que le centre de formation soit l’un des meilleurs d’Europe, explique à GRAND! Thierry Granturco, ancien joueur de l’OL, aujourd’hui avocat spécialiste du droit du sport et fondateur du cabinet DS avocats. Jean-Michel Aulas n’a jamais perdu de vue qu’il lui fallait des outils de financement. Le centre de formation en est un, le stade était l’étape suivante. »

L’OL, qui s’apprête à enchaîner entre 2001 et 2008 une impressionnante série de 7 titres consécutifs de champion de Ligue 1 doit changer de dimension. La bande à Juninho, star brésilienne des années 2000, enchaîne les quarts de finales en Ligue des Champions mais est à l’étroit dans son stade historique de « Gerland ». « Nous sommes à l’époque du rapport Besson sur la compétitivité des clubs français, se souvient Jean-Pascal Gayant, spécialiste de l’économie du sport contacté par GRAND! Tous les regards sont alors tournés vers l’Allemagne et ses stades privés pleins, très profitables. »

Aulas s’en inspire. Il comprend que pour briller à l’échelle continentale, l’OL doit quitter son stade, construit 100 ans plus tôt. En février 2007, première en France, le club fait son entrée en bourse et lève 89 millions d’euros. Le bruit des grues et des pelleteuses se rapproche…

Après plusieurs recours d’associations locales opposées au projet, c’est le site de Décines-Charpieu, à une quinzaine de kilomètres de la ville qui est choisi. En octobre 2012, le premier coup de pelle est donné. Le club réinjecte une grande part des recettes issues des ventes de joueurs dans la construction du troisième plus grand stade de France : 59.286 places pour 632 millions d’euros, dont 450 de fonds privés (notamment deux contrats de financement obligataire avec Vinci et la Caisse des dépôts et consignations). « L’OL sortait d’une période avec de nombreuses qualifications en Ligue des Champions. Il s’était constitué un véritable trésor de guerre financier », explique à GRAND! Pierre Rondeau, co-directeur de l’Observatoire Sport et Société, à l’institut Jean Jaurès.

LES RECETTES ONT DOUBLÉ

Le 9 janvier 2016, face à Troyes pour le match inaugural, la star, c’est bien Jean-Michel Aulas, et non les joueurs du cru Lacazette ou Tolisso. Les 6000 places VIP ont rapidement trouvé preneur, tout comme les 105 loges que comptent le « Parc OL », rebaptisé quelques mois plus tard « Groupama Stadium » contre 6 millions d’euros annuels. Un stade conçu pour le business : entre la billetterie des jours de matches, la part belle faite aux VIP et les événements extra-sportifs (Rihanna et Coldplay s’y sont produits), l’OL va démultiplier les sources de revenus. Des compétitions de rugby, et même des matches de hockey sur glace peuvent s’y dérouler. La surface dédiée aux événements s’étend sur 8000 mètres carrés, tandis que 1700 sont dédiés aux bureaux louables à l’année. « Certains ont même vue directe sur la pelouse, décrit Jean-Pascal Gayant. C’est quelque chose qui inscrit l’OL dans une perspective de grand club européen. Ce n’est pas une machine à cash, mais le pari est gagné. »

Comme le stade londonien de Tottenham qui a coûté un milliard de livres, le Groupama Stadium a été conçu pour être « exploitable » 365 jours par an. Il peut compter sur un hôtel au pied du stade, la brasserie Paul Bocuse, un musée, un centre de loisirs… Jean-Michel Aulas a le sourire : les recettes « stade » ont plus que doublé, passant d’un peu moins de 25 millions à 52,9 millions d’euros pour la saison 2017-2018. « En multipliant les événements, en jouant sur les tarifs et en réalisant de belles prestations sur la scène européenne, on pourrait approcher les 80 millions d’euros », calcule Pierre Rondeau.

L’ambitieux président prévoit de rembourser « son » stade en quinze ans. Et le 7 juillet, ce seront les cris de joie des championnes du monde de football qui y résonneront. Sans doute Jean-Michel Aulas rêve-t-il de voir Amandine Henry, joueuse de l’OL et capitaine des Bleues soulever le trophée dans son stade…

SUR LE MÊME SUJET